Le bocage, fil conducteur du Pays de Bégard : un paysage vivant à découvrir

11/10/2025

Un bocage bien vivant : comprendre cet héritage paysager

Impossible de parcourir le Pays de Bégard sans être marqué·e par l’enchevêtrement harmonieux de talus, de haies, de champs et de petits chemins. Cette mosaïque végétale, nommée bocage, façonne le territoire depuis des siècles. Mais au-delà de l’image de carte postale, le bocage remplit une multitude de fonctions essentielles.

Une définition enracinée dans l’histoire rurale

Le bocage s’étend sur une grande partie de la Bretagne historique. Il s’agit d’un système agraire qui mêle parcelles de tailles modestes, délimitées par des haies vives plantées sur des talus de terre. Les chemins creux, quant à eux, serpentent à travers ces étendues, résultat de siècles de passage et d’érosion, et participent à la magie de la balade.

Si l’on s’attarde sur une carte IGN (Institut Géographique National), le Pays de Bégard affiche une densité de haies supérieure à la moyenne française : environ 120 mètres linéaires de haies par hectare sur certaines communes, contre à peine 40 mètres en France hexagonale (source : INRA, "Le paysage du bocage en Bretagne").

Pourquoi tant de haies ?

  • Démarcation foncière : Elles délimitent les parcelles et servaient à empêcher le bétail d’errer.
  • Protection : Les talus protègent les cultures des vents, fréquents sur le littoral nord-breton, tout en retenant l’eau et la terre.
  • Production : Les haies fournissaient bois de chauffage, fourrage, fruits, et nectar pour le miel.

Le bocage, pilier de la biodiversité locale

Un réservoir pour la faune et la flore

Selon l’Office Français de la Biodiversité, plus de 70 % des espèces d’oiseaux de Bretagne sont présentes dans le bocage, dont la fameuse chouette chevêche, emblématique des haies anciennes. On y trouve également hérissons, grenouilles, chauves-souris et, côté floristique, du houx, des aubépines multiséculaires, ainsi que des orchidées sauvages en sous-bois.

C’est dans ces coulisses végétales que s’abrite une véritable chaîne alimentaire, essentielle au maintien de l’équilibre : insectes pollinisateurs, micro-mammifères, prédateurs... Le bocage devient ainsi un sanctuaire de biodiversité, reconnu aujourd’hui comme “infrastructure écologique”.

Fontaine de corridors écologiques

Ces haies connectées tissent d’authentiques couloirs de vie qui permettent aux espèces de circuler, de migrer, de se reproduire. Le bocage du Pays de Bégard s’insère même dans le vaste réseau de la trame verte et bleue nationale (Source : trameverteetbleue.fr).

  • Le hérisson, par exemple, peut parcourir jusqu’à deux kilomètres chaque nuit, uniquement protégé par les linéaires de haies du bocage.
  • Les chauves-souris utilisent les rangées d’arbres pour se repérer et trouver insectes et abris.

Paysages et identité : le bocage, marqueur culturel et social

Un paysage façonné par l’homme

Le travail des paysans du Trégor, puis des agriculteurs du XX siècle, a dessiné le visage du Pays de Bégard. La forme des champs, l’épaisseur des talus, les essences d’arbres diffèrent selon les villages et les traditions agricoles locales.

L’abondance du bocage reflète aussi la petite taille des exploitations d’autrefois : jusqu’aux années 1970, la majorité des fermes du secteur faisaient moins de 15 hectares. Ce morcellement foncier a favorisé la conservation des haies, là où d’autres régions ont connu un remembrement massif (source : Direction Départementale des Territoires et de la Mer des Côtes d’Armor, synthèse 2021).

Des usages multiples et une mémoire vivante

  • Fêtes du feu : Les haies servaient à la collecte du bois pour les feux de la Saint-Jean ou, plus localement, les feux de la mi-mai.
  • Légendes et contes : Les chemins creux, tapissés de mousse, sont souvent associés à des histoires de korrigans et de lavandières de nuit racontées lors des veillées.
  • Patrimoine oral : De vieux noms de haies subsistent dans la toponymie locale (“Prad ar C’hoz Talus”, etc.).

Un rempart naturel au service de l’environnement

Rôle du bocage dans la protection du sol et de l’eau

Grâce à son épais réseau de racines et à la structure des talus, le bocage freine l’érosion des sols. En Pays de Bégard, où les pluies sont abondantes (entre 900 et 1 100 mm/an, source : Météo France), il limite considérablement le ruissellement et l’envasement des rivières comme le Jaudy ou le Leff.

Les haies agissent également comme filtres naturels, captant les nitrates et les pesticides avant qu’ils n’atteignent les rivières, préservant ainsi la qualité de l’eau. Certaines études de l’INRAE (Institut National de Recherche pour l’Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement) montrent que les haies permettent une réduction de 20 à 30% des pertes d’azote à l’échelle d’un bassin versant.

Une barrière contre les vents et les tempêtes

  • Le Pays de Bégard, situé à une vingtaine de kilomètres de la manche, subit régulièrement des vents soutenus (moyennes annuelles de 20-30 km/h en hiver selon Météo France).
  • Le bocage protège cultures et élevages, offrant aussi des abris temporaires – “souillères” – pour les troupeaux.

Le bocage, acteur de l’économie rurale et des circuits courts

Un atout pour l’agriculture durable

De nombreux producteurs locaux tirent parti du bocage pour pratiquer l’élevage extensif (bovins, ovins, volailles), combinant pâturages variés et abris naturels pour le bétail. Cette gestion intelligente favorise la qualité des produits locaux, du lait bio bégarrois aux fromages fermiers primés (concours général agricole 2023).

Certaines haies, taillées régulièrement en “trognes”, fournissent même du bois-énergie tout en maintenant leur rôle écologique (Réseau Trognes).

Le bocage au cœur du tourisme vert

  • Paysages pittoresques et authentiques, cadre idéal pour la randonnée (ex : circuit du Bois du Launay, balade préférée des locaux).
  • Observation d’oiseaux sur les talus à l’aube, notamment lors des sorties guidées proposées par le Centre Forêt Bocage.
  • Valorisation des produits du terroir : miel de haie, cidres fermiers, tisanes de sureau et d’aubépine récoltés dans les haies bocagères.

Initiatives locales pour préserver ce patrimoine

Face aux pressions de l’urbanisation et de la modernisation agricole, les initiatives se multiplient pour conserver ce précieux héritage :

  • Chantiers participatifs de plantation et de restauration à l’initiative de l’association locale Beg ar C’haill ou du Groupe Ornithologique des Côtes d’Armor.
  • Atlas de la biodiversité communale : la commune de Bégard s’est notamment engagée dans des inventaires participatifs pour cartographier et valoriser le bocage.
  • Appel aux particuliers : conseils pour préserver les haies lors des travaux, informer sur les bonnes périodes de coupe, et susciter l’intérêt des jeunes générations lors d’ateliers nature.

Pour aller plus loin : explorer le bocage du Pays de Bégard

Pour mieux apprécier les nuances du bocage local, rien de tel qu’une balade à pied ou à vélo. Plusieurs sentiers vous invitent à prendre la mesure de ce patrimoine :

  • Le Circuit du Jaudy : entre rivière, ponts moussus et haies tressées, il offre un aperçu rare de la diversité des paysages bocagers.
  • Le Bois du Launay : partez tôt le matin pour croiser le chevreuil à l’orée des haies et écouter le chant du rougegorge.
  • Rendez-vous “bocage & biodiversité” : organisés chaque printemps, ils sont l’occasion de rencontrer naturalistes et paysans passionnés.

L'entretien raisonné du bocage est aujourd'hui une source d'inspiration pour toute la Bretagne : respect des cycles de taille, introduction d'essences variées, restauration des talus effondrés. À chacun, habitant ou visiteur, d’observer, de questionner, de s’émerveiller devant la subtilité de ces paysages.

Le bocage du Pays de Bégard continue d’écrire son histoire, entre tradition, adaptation et innovations rurales. Une invitation à explorer autrement cette Bretagne nord, où chaque haie raconte une part du territoire.

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