Explorer les châteaux et manoirs qui racontent le Pays de Bégard

05/09/2025

Patrimoine castral du Pays de Bégard : petite histoire, grands monuments

Le pays bégarrois, qui englobe la commune de Bégard mais aussi d’anciens fiefs comme Saint-Laurent, Trézélan ou encore Guénézan, se distingue par une forte densité de châteaux, manoirs et gentilhommières édifiés entre le XVe et le XVIIIe siècle. Cette concentration s’explique par une histoire locale marquée par la présence de puissantes familles nobles (les Kergrist, les Kerouartz, les Penhoët, pour n’en citer que quelques-unes), et par la prospérité agraire du Trégor intérieur au fil des siècles. Nombre de ces bâtisses ont été transformées ou remaniées, beaucoup sont aujourd’hui privés, mais leur simple silhouette en impose et interpelle.

  • Une quarantaine de manoirs et châteaux identifiés autour de Bégard, selon l’Inventaire Général du Patrimoine Culturel (patrimoine.bzh).
  • Les premiers manoirs apparaissent dès le XVe siècle, période de relative paix après la guerre de Succession de Bretagne.
  • Nombre d’entre eux sont classés ou inscrits comme monuments historiques.

Trois châteaux majeurs : figures emblématiques du territoire

Le château de Kermataman, une grande demeure Renaissance

Situé à une dizaine de kilomètres au nord de Bégard, sur la commune de Lanrodec, le château de Kermataman (aussi orthographié Kermathaman) est sans doute la réalisation Renaissance la plus aboutie du secteur. Construit à la fin du XVIe siècle pour la famille Le Borgne de Lesquiffiou, il impressionne par son volume rectangulaire, sa tour d’escalier polygonale et ses fenêtres à meneaux. Sa longévité architecturale s’explique par ses importantes campagnes de restauration au XIXe et XXe siècles (Base Mérimée).

  • Classé Monument Historique dès 1931.
  • Il conserve sa chapelle privée et de remarquables cheminées ornées de blasons.
  • Ouverture occasionnelle au public lors des Journées du Patrimoine.

À retenir : lors de fouilles dans le parc dans les années 1960, des vestiges gallo-romains ont été mis au jour, suggérant une occupation bien plus ancienne du site, fait relativement rare pour la région trégorroise.

Le manoir de Coat-an-Noz : légendes noires et faste industriel

Planté au creux d’une vallée boisée, sur la commune de Belle-Isle-en-Terre, le Manoir de Coat-an-Noz offre un visage singulier. Ce n’est pas un manoir du Moyen-Âge, mais une « folie » néo-gothique du XIXe siècle, érigée par Lady Mond, mécène excentrique, sur les ruines d’un ancien pavillon de chasse des seigneurs du lieu. Mais l’histoire ne s’arrête pas là.

  • Le site abrita, au début du XXe siècle, les installations de la Société Trégoroise des Mines de Plomb et d’Argent. Il a symbolisé un essor minier sans équivalent localement (Source).
  • Récits de fantômes, histoires de disparitions, tunnels inexplorés : la vallée est jalonnée d’anecdotes et de contes sombres, cristallisant l’imaginaire rural.
  • Le parc est aujourd’hui accessible, proposant une atmosphère romantique et mystérieuse.

On y accède en suivant un sentier depuis le hameau de Saint-Antoine, parfait pour une balade « patrimoine & légendes ».

Le château de La Salle, sentinelle de la vallée du Jaudy

Non loin de Trézélan, le château de La Salle occupe une situation exceptionnelle surplombant les méandres du Jaudy. C’est un des rares exemples trégorrois de château fort transformé en demeure moderne tout en conservant un aspect défensif.

  • La Salle a été mentionnée dès la fin du Moyen-Âge, propriété de la puissante famille Lescouët.
  • Les bâtiments actuels mêlent une tour XVIe et un corps de logis plus classique du XVIIIe siècle.
  • Bien qu’en propriété privée, le site impressionne par la majesté de ses douves toujours en eau et de ses petits ponts de pierre.

Aux abords, on trouve des carrières qui alimentaient autrefois les artisans locaux en pierre de taille, et qui ont servi à l’édification de plusieurs fermes notables dans la même vallée.

Manoirs et maisons nobles : des témoins ancrés dans la vie rurale

Si les grands châteaux frappent le regard, c’est surtout la myriade de manoirs qui façonne l’identité profonde du Pays de Bégard.

  • Le manoir de Coat-Méal : aux abords du bourg de Bégard, il date du début XVIe siècle. On y remarque une tourelle d’escalier très caractéristique, et des lucarnes finement ouvragées.
  • Le manoir de Keravel : à Saint-Laurent, il fut restauré au XIXe par ses propriétaires qui y intégrèrent d’anciennes pierres sculptées provenant d’un prieuré ruiné. Un exemple unique de "recyclage patrimonial".
  • Le manoir de Coatcouzan : à Pédernec, autrefois possession des barons de Kersaint, il est resté dans la même famille depuis plus de quatre cents ans, ce qui est rare dans la région.

Selon l’Inventaire du Patrimoine des Côtes-d’Armor, plusieurs manoirs ont conservé leurs colombiers (coquille rare), ou leurs anciens lavoirs, témoins précieux des usages quotidiens (Département des Côtes-d’Armor).

Le patrimoine caché : maisons fortes, moulins, et vestiges oubliés

Le charme du Pays de Bégard réside aussi dans ses bâtiments plus discrets : tourelles isolées, soubassements de maisons fortes, ruines perdues dans les bois. Quelques exemples dignes d’intérêt :

  • Le moulin de Kergouanton : dépendance d’un ancien manoir, il fonctionnait encore aux débuts du XXe siècle. Les mécanismes de bois d’origine sont encore visibles lors de visites guidées ponctuelles.
  • La tour isolée de Goas Rouz : subsiste d’un petit château disparu ; elle aurait servi d’observatoire pendant les Guerres de la Ligue.
  • Les ruines de la chapelle de Keriliou : adossée à un logis noble, elle aurait été le théâtre de noces clandestines au XVIIIe siècle, un épisode rendu célèbre par des archives communales consultables aux Archives départementales.

Tout au long de l’année, associations locales et passionnés organisent des randonnées thématiques pour (re)découvrir ces endroits hors du temps, souvent oubliés des circuits touristiques classiques.

Anecdotes et traces du passé : ce que ces pierres vous racontent

  • Plusieurs manoirs bégarrois possédaient de véritables réseaux de souterrains, utilisés pour relier logis, chapelle et dépendances. D’après les relevés de l’association locale Mémoire et Patrimoine, la découverte de galeries sous le manoir de Coatbelven a inspiré plusieurs romans régionaux !
  • Un « lac souterrain » aurait existé sous le château de Kermataman : légende locale ou réalité ? Les experts s’accordent à dire qu’il s’agit probablement d’anciens puisards et cuves à eau de pluie, astucieusement dissimulés.
  • En 1986, lors de la réfection d’une toiture au manoir de Keravel, une collection d’outils de charpentier du XVIIe siècle a été découverte, parfaitement conservée dans un coffrage de chêne (relayé par le Ouest-France).

Le passé du pays bégarrois est ainsi fait de couches superposées : ici une pierre gravée, là un linteau réutilisé, plus loin une porte bouchée ou une souche de cheminée colossale. Chaque détail a son histoire, reflet de ce dialogue jamais rompu entre l’homme et la terre.

Visiter, approcher, comprendre : conseils pour explorer ce patrimoine

  • Consultez les ouvertures et Journées du Patrimoine : beaucoup de sites sont privés mais se visitent certains jours de l’année, ou lors de balades guidées organisées par les offices de tourisme et associations locales (Office de Tourisme du Pays de Bégard).
  • Respectez la quiétude des lieux : certains châteaux restent des résidences familiales, leur accès n’est donc pas toujours autorisé. Observez les panneaux et renseignez-vous au préalable.
  • Privilégiez la marche ou le vélo : nombre de ces manoirs ne se révèlent qu’au détour des chemins creux ; les circuits balisés permettent d’effectuer de vraies balades « patrimoine vivant ».
  • Interrogez les habitants : bien souvent, les plus belles histoires du coin ne sont racontées que par la mémoire collective… Ne soyez pas timide, poussez la porte d’un café ou d’une bibliothèque locale !

Un patrimoine vivant à découvrir et à partager

Si chaque château ou manoir du Pays de Bégard garde jalousement ses secrets d’architecture et ses souvenirs de famille, beaucoup s’ouvrent aujourd’hui à la curiosité des visiteurs, lors d’événements ou par le simple jeu de la rencontre. Ce patrimoine, parfois discret, demeure profondément lié à la vie rurale, et livre, au fil des pas et des récits, l’autre visage du Trégor : celui d’une campagne habitée, inventive, et amoureuse de ses pierres.

Découvrir les châteaux et manoirs du pays bégarrois, c’est entrer dans une histoire de transmission, de légendes et de passion pour un territoire à savourer loin des clichés. Alors, pourquoi ne pas partir à la recherche du détail insolite ou du panorama oublié, et écrire, à votre tour, quelques lignes dans le grand livre vivant du patrimoine local ?

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