Au fil de l’eau : comprendre et explorer les cours d’eau du Pays de Bégard

16/10/2025

Une mosaïque de rivières, ruisseaux et sources

Le Pays de Bégard, situé au cœur du Trégor, dans les Côtes-d’Armor, est un territoire intimement lié à l’eau. Si la région séduit par ses bocages et ses prairies verdoyantes, elle doit aussi sa physionomie à un réseau dense de rivières, de ruisseaux, de sources et de zones humides. Ici, l’eau façonne les paysages, nourrit la terre et raconte l’histoire vivante d’un pays breton marqué par la ruralité et la tradition paysanne.

Les principaux cours d’eau qui sillonnent et animent le Pays de Bégard méritent d’être découverts, tant pour leur beauté que pour les multiples rôles qu’ils jouent aujourd’hui encore.

Panorama des principaux cours d’eau du Pays de Bégard

Plusieurs rivières et ruisseaux structurent la géographie locale. Les plus notables sont :

  • Le Jaudy : Surnommé parfois “la colonne vertébrale de l’ouest-trégor”, il traverse la commune de Bégard par sa vallée. Le Jaudy prend sa source à Kerglas (secteur de Quemper-Guézennec), coule sur près de 36 kilomètres et rejoint la Manche à La Roche-Derrien, formant alors l’un des plus beaux estuaires de Bretagne du nord. (wikipedia.org/wiki/Jaudy)
  • Le Guindy : Moins connu, mais tout aussi important, il naît à peu de kilomètres au nord-est de Bégard, traverse la commune de Pouldouran, et alimente la vallée de Tréguier. Lui aussi joue un rôle déterminant dans l’alimentation des zones humides et la biodiversité.
  • Le Ruisseau de Saint-Eloi : Il traverse notamment le bourg de Bégard, longe les jardins historiques du calvaire de Saint-Eloi, et délimite parfois parcelles et propriétés.
  • Le Ruisseau du Croas-Bian : Typique des petits cours d'eau du bocage breton, il serpente entre prés et bois, alimente de vieux moulins et rejoint le Jaudy.
  • Le Ruisseau du Runo : Présent vers le nord de la commune, il suit une vallée encaissée prisée des promeneurs et naturalistes.

D’autres petits affluents, étangs et zones humides (comme l’étang de Kernoldou à Kermoroc’h) jalonnent ce réseau, formant une toile d’araignée aquatique sur l’ensemble du territoire. Ces cours d’eau sont tous tributaires, directement ou indirectement, du grand bassin versant du Jaudy-Guindy.

Une histoire modelée par l'eau : usages anciens et patrimoine

Dès le Moyen Âge, la présence abondante de cours d’eau a rythmé la vie du pays bégarrois.

  • Moulins à eau : Les archives des Côtes-d’Armor recensent plus d’une quinzaine de moulins à eau rien que pour la vallée du Jaudy, du Croas-Bian et du Runo, dont plusieurs vestiges subsistent près de Squiffiec ou Guénézan. Ils servaient à moudre le blé, mais aussi à actionner les forges locales ; certains ont fonctionné jusque dans les années 1950 (Source : Mémoire locale, « Le Patrimoine de Pays en Trégor », Editions Skol Vreizh).
  • Lavoirs et fontaines : En périphérie de Bégard et dans ses hameaux (Kermoroc’h, Pédernec), les fontaines et lavoirs témoignent de l’importance de l’eau pour la vie domestique et rituelle. Certains lavoirs, restaurés, sont encore visibles à Saint-Laurent ou à Saint-Eloi.
  • Rites et légendes : Les fontaines de dévotion, comme celle de Saint-Hervé à Bégard, étaient autrefois réputées pour leurs vertus médicinales ou spirituelles (Source : « Fontaines et traditions en Bretagne », Emgleo Breiz).

Aujourd’hui, ces éléments du petit patrimoine racontent en filigrane l’histoire d’un pays rural façonné par l’ingéniosité de ses habitants, intimement liée à la gestion de l’eau.

Un rôle écologique majeur, des paysages préservés

Les cours d’eau bégarrois jouent un rôle central dans le maintien de la biodiversité locale. Voici quelques exemples concrets :

Fonction écologique Exemple local Espèces concernées
Corridor biologique Vallée du Jaudy, ripisylve du Guindy Loutre d’Europe, truite fario, libellules
Zone de frai Petits affluents du Croas-Bian Saumon atlantique (frayères signalées par l’Office français de la biodiversité)
Habitat pour oiseaux Prairies humides près de Kernoldou Bec-croisé, héron cendré, martin-pêcheur
Atténuation des crues Vasières du Jaudy

Ce rôle de sauvegarde est d’autant plus important que, selon le Conservatoire d’espaces naturels de Bretagne (cen-bretagne.fr), plusieurs milieux humides du Jaudy et du Guindy sont classés en zones Natura 2000, au titre de la richesse de leur faune et flore.

  • Les espèces présentes témoignent d’une eau encore faiblement polluée : présence de la mulette perlière, amphibien protégé, ou du rare papillon Cuivré des marais.
  • La loutre d’Europe, autrefois disparue, a recolonisé la vallée du Jaudy depuis le début des années 2000.

Des paysages à explorer à pied, à vélo ou en kayak

Si l’eau structure les cartes, elle offre aussi un extraordinaire terrain de découverte :

  • Randonnées le long du Jaudy et du Guindy : Des sentiers balisés (GR 34C, circuits communaux de Bégard et Squiffiec) suivent les rives boisées ou remontent les ruisseaux aux eaux claires. Au printemps, les talus se couvrent d’anémones, et le clapotis de l’eau accompagne les marcheurs.
  • Observation des oiseaux et petites bêtes aquatiques : Près de l’étang de Kernoldou, des postes d’observation ont été installés, parfaits pour guetter le vol du martin-pêcheur ou des hérons.
  • Kayak et canoë sur le Jaudy : La section entre Quemper-Guézennec et La Roche-Derrien est navigable, appréciée pour ses méandres et la tranquillité de ses paysages (clubs de kayak à contacter via l’office de tourisme de Guingamp – Baie de Paimpol).

Ces balades au fil de l’eau permettent souvent de traverser d’anciennes passerelles ou d’apercevoir de vieux ouvrages hydrauliques, rappels vivants du passé.

Défis contemporains : qualité de l’eau et mobilisation locale

Comme partout en Bretagne, les cours d’eau du Pays de Bégard doivent faire face à des enjeux cruciaux :

  1. Protection contre les pollutions diffuses : L’intensification agricole du 20e siècle a provoqué une augmentation des nitrates dans certaines parties du bassin-versant, provoquant proliférations d’algues et dégradations écologiques (source : Eau et Rivières de Bretagne, rapport 2022). Toutefois, la remobilisation des acteurs locaux (agriculteurs, collectivités, associations) a permis une amélioration progressive de la qualité de l’eau depuis les années 2010 (eau-et-rivieres.org).
  2. Préservation des zones humides : Vitales pour l’épuration naturelle de l’eau et la régulation des crues, ces zones sont fragiles (33% de leur surface a disparu entre 1950 et 2000 dans le secteur, d’après le SAGE Trégor – GOELLEC).
  3. Modifications climatiques : Les épisodes de sécheresse ou au contraire de fortes précipitations posent la question de la gestion durable des ressources en eau. Les associations locales multiplient les actions de sensibilisation auprès des scolaires et du grand public.

À noter : certains hameaux se sont engagés dans des démarches de “zéro phytosanitaire” et restaurent petit à petit mares, haies rivulaires et zones tampons, sauvegardant ainsi la biodiversité aquatique (voir information relayée par la Maison de la Rivière).

Petites anecdotes et coups de cœur

  • Chaque année, des bénévoles se retrouvent pour le “nettoyage du Jaudy”, une grande opération citoyenne de ramassage des déchets et d’entretien des berges ; une tradition locale à laquelle tout le monde peut participer.
  • À Pédernec, la fête du moulin de Crec’h Meur met à l’honneur le patrimoine hydraulique : visite du moulin, ateliers d’initiation, et dégustation de produits locaux.
  • L’étang de Kernoldou, petit bijou verdoyant situé à Kermoroc’h, héberge une population exceptionnelle de grenouilles agiles et de libellules ; parfait pour une sortie observation nature en famille.

L’eau, une identité partagée et un avenir à écrire

Les cours d’eau du Pays de Bégard ne sont ni de simples lignes bleues sur une carte, ni des souvenirs du passé. Ils continuent de rythmer la vie des habitants et du paysage, inspirent les promeneurs comme les défenseurs de l’environnement, et jouent un rôle vital dans l’agriculture, l’équilibre écologique et la transmission des savoir-faire locaux. Se promener le long du Jaudy, s’arrêter près d’une fontaine ou traverser un petit pont de pierre, c’est entrer dans un territoire façonné par l’eau et la mémoire.

Prendre soin de ces patrimoines naturels, s’engager pour leur préservation, c’est aussi assurer la transmission de cette richesse aux générations futures. Chacun, promeneur, habitant, ferme ou école, peut y contribuer à sa manière.

Pour prolonger l’aventure, pourquoi ne pas suivre l’un des sentiers au fil de l’eau, participer aux initiatives locales, ou simplement profiter d’un moment de quiétude au bord d’un ruisseau ? L’évasion commence parfois là où coule une eau que l’on croyait familière…

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