Patrimoine caché et héritage vivant : explorer le Pays de Bégard autrement

26/08/2025

Un coin de Bretagne au carrefour des histoires rurales

À quelques kilomètres de Guingamp, niché entre vallons et haies bocagères, le Pays de Bégard déploie une identité singulière, façonnée par des siècles d’influences et de petites révolutions locales. Trop souvent dans l’ombre de la côte ou des grands itinéraires bretons, il réserve pourtant à celles et ceux qui s’y aventurent la sensation précieuse de pénétrer dans une Bretagne restée fidèle à elle-même, où l’Histoire s’inscrit au quotidien. Mais de quel héritage parle-t-on, concrètement, au-delà d’une image bucolique ?

Ce territoire, qui s’étend autour de la bourgade de Bégard et englobe petites communes et hameaux environnants, est porteur d’un passé rural, spirituel et résolument collectif. Les traces de son histoire s’offrent à qui prend le temps de lever les yeux, marcher dans les villages ou flâner sur les chemins. Mais pourquoi choisir de s’y arrêter aujourd’hui ? Parce que chaque génération a su y inscrire son empreinte, dans la pierre, dans la terre et dans les liens humains – et cet héritage mérite plus que jamais d’être partagé, compris et préservé.

Bégard hier : origines et héritage religieux

Le cœur historique de Bégard se dévoile au détour de petites rues paisibles, mais son histoire plonge loin dans le Moyen Âge. Dès le XIIe siècle, l’abbaye cistercienne de Bégard pointe au centre du paysage, fondée en 1134 par d’anciens moines venus de l’abbaye de Buzay, près de Nantes. Si les grands bâtiments monastiques ont disparu, le site – aujourd’hui privé, mais visible en extérieur – reste un repère fort : il fut l’un des foyers de la spiritualité cistercienne en Bretagne, jouant un rôle essentiel dans le développement agricole et social de la région (source : Patrimoine.bzh).

  • La première mention écrite de « Begaar » remonte à 1166, sous l’appellation latine “Abbatia de Begardo”.
  • L’abbaye contrôlait jusqu’à 3 000 hectares de terres et plusieurs moulins au XIIIe siècle.
  • Ses dépendances s’étendaient sur de vastes territoires, jusqu’à l’actuel département des Côtes-d’Armor.

Mais si l’abbaye a marqué de son empreinte la vie locale, de nombreux autres sites témoignent aussi de la dimension religieuse du pays bégarrois :

  • Chapelles rurales – Saint-Hervé à Coat-an-Noz, Saint-Jean à Landebaëron, Notre-Dame de Nanteuil, avec leur architecture sobre et leurs enclos de verdure.
  • Fontaines et croix anciennes, jalons des chemins de procession et témoins de croyances populaires parfois antérieures au christianisme.

Même le nom « Bégard », issu du breton signifiant « pointe du lieu, saillie », rappelle cette logique de frontières, de passage et d’enracinement.

Le patrimoine bâti : demeures, enclos et fermes remarquables

Loin du cliché de la grande forteresse, le bâti du Pays de Bégard reflète une histoire faite de travail, d’ingéniosité et de sobriété. Au fil des balades :

  • Des manoirs discrets comme celui de Coat Men, construction du XVIe siècle dont les pierres évoquent le passage de la petite noblesse rurale.
  • Des maisons traditionnelles en schiste ou en granit, combinant étable, logement et four à pain sous un même toit : le « tiez-koz », symbole de l’autonomie paysanne bretonne.
  • Les vestiges de moulins (on en comptait une vingtaine actifs sur la vallée du Jaudy au XIXe siècle, archives départementales), lieux d’échanges et de solidarité parmi les habitants.

C’est aussi dans les hameaux – Kervilon, Coat Noz, Leslannou – que l’on devine un art de vivre hérité de générations entières : polytunnels et jardins partagés rappellent que l’agriculture vivrière, le patrimoine immatériel des gestes d’autrefois, et la solidarité restent très vivants ici.

Traditions populaires et mémoire collective

Le Pays de Bégard n’est pas qu’un paysage figé ; c’est un territoire d’usages, de coutumes, de fêtes et de partages, qui continuent de nourrir une identité ouverte. Quelques repères :

  • La fête des battages : chaque été, à Bégard ou dans les villages proches, on fait renaître la fête des moissons à l’ancienne, dans une ambiance où la batteuse vibre comme jadis, au rythme du repas partagé.
  • Les pardons : événements religieux typiquement bretons, perpétués ici depuis le Moyen Âge, mélangeant processions, musique, marche et danses (principalement lors du pardon de Saint-Hervé à Coat-an-Noz).
  • Le fest-noz : impossible de passer sous silence ces nuits de danse traditionnelle, inscrites au patrimoine immatériel de l’UNESCO, où la jeunesse comme les anciens se retrouvent « sur le plancher » pour quelques gavottes et plinn.

De la langue bretonne, dont les locuteurs se raréfient mais qui demeure valorisée dans les écoles Diwan et grâce aux ateliers de transmission, à la cuisine du terroir (crêpes, cidre, kig ha farz lors des festoù-noz), la mémoire est vivante, partagée, réinterprétée : voilà l’un des plus précieux héritages du Pays de Bégard.

Résistance, solidarités et engagement social

L’histoire locale du XXe siècle porte aussi la marque des luttes paysannes, des solidarités ouvrières ou des combats pour l’identité bretonne :

  • Lors de la Seconde Guerre mondiale, des réseaux locaux d’entraide et de résistance se sont organisés dans la région de Bégard – en particulier autour de la filière agricole (source : témoignages rassemblés dans « Résistances en Côtes-du-Nord », éditions Skol Vreizh).
  • Dans les années 1970, la création de coopératives agricoles et de projets d’économie solidaire, comme la laiterie de la Côte du Trégor, marque la vitalité du mutualisme rural.
  • L’école Diwan de Bégard, ouverte en 1984, devient quant à elle un bastion de la transmission de la langue bretonne et des pédagogies alternatives (source : site officiel Diwan Bretagne).

Ici, l’engagement pour la sauvegarde du patrimoine ne se limite pas aux monuments : il s’incarne aussi dans la défense d’une agriculture paysanne, l’ouverture aux nouveaux habitants et la capacité à faire vivre ensemble différentes histoires de vie.

Redécouvrir le Pays de Bégard aujourd’hui : itinéraires et bonnes raisons

Pourquoi s’y arrêter à notre époque ?

  • Authenticité préservée – À l’écart des flux touristiques massifs, le Pays de Bégard se découvre lentement, dans la convivialité. Ici, pas de surenchère, mais le plaisir d’être accueilli, conseillé, porté par le rythme du lieu.
  • Réseau de sentiers et d’itinéraires – Plus de 100 kilomètres de randonnées balisées, dont certaines portions du GR 34 C (source : Côtes-d’Armor Destination), épousent vallées, landes et bocages. Nombreux parcours adaptés à la marche, au vélo et même à l’équitation.
  • Rencontres avec les acteurs locaux – Producteurs, animateurs culturels, maraîchers bio ou artisans du bois, de plus en plus accueillent sur place ou partagent leur savoir-faire lors de portes ouvertes, notamment sur les marchés hebdomadaires de Bégard et ses villages satellites.
  • Événements à taille humaine – Vous pouvez découvrir la richesse du patrimoine lors des Journées du Patrimoine (avec visites guidées parfois exclusives sur les sites privés), stages de broderie ou initiations au breton organisés tout au long de l’année.

Quelques lieux incontournables (et souvent sous-estimés)

  • Le parc de loisirs Armoripark et ses espaces verts, prolongés par une balade jusqu’aux ruines de l’abbaye.
  • Le moulin de Kerfinec : témoin de l’histoire rurale trégorroise, récemment restauré par des bénévoles.
  • La chapelle Saint-Hervé et le chaos granitique de Coat-an-Noz, parfaits pour une promenade mystique… et un bon pique-nique.
  • Les ateliers et fermes ouvertes – Visites guidées d’exploitation, ruchers ou ateliers bois, souvent sur rendez-vous et propices à l’échange.

Faire vivre et transmettre le patrimoine : les initiatives locales

Bégard n’est pas un musée à ciel ouvert, mais un lieu où tradition rime avec innovation. Les associations et collectifs de bénévoles se mobilisent, qu’il s’agisse de restaurer croix et fontaines, d’organiser des festivals (Fest Armor), ou d’accompagner le renouveau du bocage par des chantiers participatifs.

La commune s’inscrit aussi dans la dynamique du Trégor, permettant l’accès à des ressources pédagogiques, des conférences, et la valorisation du patrimoine architectural et naturel (source : pays-art-histoire.bzh).

  • En 2023, plus de 150 habitants ont participé à la journée annuelle de nettoyage des sentiers et restaurations de murets, selon la mairie.
  • Chaque année, près de 700 visiteurs participent aux circuits culturels guidés lors de l’été, la majorité d’entre eux venant de Bretagne intérieure.

Les jeunes générations, par le biais d’initiatives comme les classes patrimoine du collège François Clech, s’impliquent à leur tour, prouvant que l’héritage de ce pays n’est pas une pièce de musée mais une matière vivante, en perpétuel renouvellement.

Pourquoi le Pays de Bégard a tout à offrir aux curieux d’aujourd’hui

Découvrir l’héritage historique du Pays de Bégard, c’est accepter de sortir des circuits « cartes postales » pour retrouver le sens de l’accueil, du collectif, et de la diversité bretonne. Ici, le patrimoine se lit dans la pierre, certes, mais aussi dans la convivialité des marchés, la saveur d’un pain cuit au feu de bois partagé au bord d’un chemin, ou dans le bruissement des fêtes de village. Là où certains voient un “petit coin tranquille”, d’autres devinent un laboratoire d’initiatives citoyennes, de nouvelles ruralités inspirantes, et le meilleur de la Bretagne en version confidentielle.

Ne reste plus qu’à pousser la porte – ou le portail d’une ferme – pour vivre, le temps d’un séjour ou d’une balade, l’héritage bien vivant et pluriel du Pays de Bégard.

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