Voyage à travers le temps : l’histoire vivante du Pays de Bégard

26/07/2025

Des terres façonnées par les premiers Bretons

Difficile de parler du Pays de Bégard sans évoquer ses origines celtiques. Dès le Ve siècle, alors que la Bretagne se peuple de migrants venus des îles Britanniques, le Trégor intérieur s’étend peu à peu, façonnant le paysage bocager que l’on admire aujourd’hui.

  • Vestiges Celtes et premiers peuples : La toponymie locale (plou, ker, lan...) trahit encore la présence ancienne de communautés bretonnes venues du Pays de Galles. Source : Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest
  • Une terre d’églises paroissiales : Dès le haut Moyen-Âge, on voit émerger des sites comme la fameuse abbaye de Bégard, dont l’influence religieuse et économique a structuré toute la région sur des siècles.

Les fouilles archéologiques, notamment autour de Pluzunet et Lanrodec, ont révélé la présence de nécropoles et d’artefacts remontant à la protohistoire, témoignant de l’ancienneté de l’occupation.

Le Moyen-Âge : des abbayes, des bourgs et des frontières

À partir du XII siècle, l’histoire du Pays de Bégard s’accélère. La fondation de l’abbaye cistercienne de Bégard en 1130 (par Alain d’Avaugour, héritier des ducs de Bretagne) impulse un développement sans précédent :

  • Création de moulins, de fermes et d’un réseau d’étangs pour la pisciculture – certaines digues sont encore en place aujourd’hui.
  • L’abbaye, qui domine la vie locale, tient des foires, gère les terres et accueille des pèlerins. Elle rayonnera jusqu’à la Révolution (source : Tregor.fr).

Des bourgs animés et une économie rurale forte

Les bourgs comme Saint-Laurent, Saint-Agathon, ou Squiffiec dépendent de la foisonnante économie rurale, rythmée par :

  • Les marchés de bestiaux, qui drainent vendeurs et acheteurs du Trégor (source : Archives départementales 22).
  • La fabrication du lin et du chanvre, jusqu’à la crise textile du XIXe siècle.

C’est cette vie rurale indépendante qui amène le territoire à développer de forts liens de solidarité villageoise. On retrouve encore l’écho de ces veillées et kermesses, célébrées dans les chapelles ou sur les places de village.

Le choc des révolutions et l’éveil républicain

À la fin du XVIII siècle, le Pays de Bégard n’échappe pas à la tourmente de la Révolution française. Fait rarement évoqué : dès 1791, un quartier de Bégard abrite un foyer de chouannerie, engagé dans la résistance royaliste, à l’image du chef local Jean-Vincent d’Hyères.

  • Changements fonciers : Les biens de l’abbaye sont confisqués et démantelés, modifiant en profondeur le paysage agricole et social (Abbé Guilloux, Gallica).
  • La nouvelle ruralité : L’après-Révolution donne naissance à des propriétaires indépendants et multiplie les petites exploitations familiales.

Au XIX siècle, l’arrivée progressive du chemin de fer (ligne Guingamp–Paimpol, 1894) ouvre la région à l’extérieur, favorisant échanges, commerce, et un début de tourisme balnéaire sur la côte toute proche (Tréguier, Paimpol).

Une identité bretonne ancrée et vivante

Malgré ces bouleversements, le Pays de Bégard a toujours su préserver une identité forte, dont la langue bretonne est le socle.

  • Le breton, langue du quotidien : Jusqu’aux années 1950, plus de 95% des habitants de la région parlent le breton en famille et lors de toutes les activités sociales (INSEE, 1952).
  • Les pardons, fêtes et traditions : Le territoire reste marqué par de grands rassemblements populaires : le pardon de Notre-Dame de Bégard, la fête des battages, ou la “Mojenn ar C’hoat” [La légende du bois], témoignent d’une culture enracinée.

Aujourd’hui encore, des associations comme Ti ar Vro ou Ar Vro Bégar œuvrent pour la sauvegarde de la langue et de la culture bretonnes, via des cours, des contes et des fêtes, réunissant anciens et nouveaux arrivants autour d’un patrimoine commun (source : Ti ar Vro Bégard).

Du bocage agricole à la diversification économique

Longtemps structuré autour d’une polyculture de subsistance, le Pays de Bégard a connu d’importantes mutations économiques à partir des années 1960 :

  • Déclin de la petite agriculture : En 1980, on recense plus de 340 exploitations agricoles sur la seule commune de Bégard ; elles ne sont plus qu’environ 40 en 2020 (Chambre d’Agriculture 22).
  • Le maraîchage et la filière bio : De nouveaux modèles émergent, à l’instar de collectifs comme “Les légumes du Pays” ou la Ferme de Kerprigent, pionnière en circuits courts.

Dans le sillage de ces changements, d’anciennes fermes sont restaurées en gîtes ou ateliers d’art, et de nouvelles activités valorisent le patrimoine local : artisanat, culture, tourisme durable.

Une économie rurale qui s’ouvre à l’innovation

  • Le Parc d’Activités de Goasven, à Bégard, voit l’implantation de PME, permettant la création de près de 350 emplois en dix ans (2021).
  • Le secteur médico-social, avec l’Institut Médico-Éducatif de Bégard, accueille plus de 200 jeunes et adultes chaque année, renforçant le rôle social du territoire.

Ces évolutions sont portées par une volonté de préserver la qualité de vie et l’attachement aux solidarités. Un exemple marquant : la création en 1986 de la “Fête des jardins partagés”, devenue un rendez-vous intergénérationnel unique dans les Côtes-d’Armor.

Le Pays de Bégard aujourd’hui : entre héritage et renouveau

Territoire d’initiative et de réinvention, le Pays de Bégard s’affirme aujourd’hui par sa vitalité associative et sa capacité à conjuguer patrimoine et innovation :

  • Itinéraires de randonnées valorisés (180 km de sentiers balisés, 2023 / source : Communauté d'Agglomération Guingamp-Paimpol).
  • Label “Bretagne à Vélo” pour plusieurs circuits, dont l’ancienne voie ferrée Guingamp-Paimpol reconvertie en voie verte.
  • Développement d’événements culturels : festival “Les Bottes au Vert”, Marché des Artisans Créateurs.

Le territoire attire de nouveaux habitants en quête de sens, de nature et de lien social : la population, après avoir reculé dans les années 1980, est à nouveau en légère hausse (Bégard : 4 667 habitants en 2022 selon l’INSEE).

Au cœur des initiatives locales

Des projets comme la Maison des Générations, la réhabilitation du château de Coat-an-Noz, ou encore les jardins collectifs de Kermoroc’h illustrent ce dynamisme. Ils réveillent l’identité d’un pays qui rêve, se mobilise, partage et transmet.

Perspectives pour un territoire singulier

Le Pays de Bégard, fort de son histoire millénaire, se raconte par ses paysages, ses traditions, sa résilience. Ici, l’ancien dialogue avec le contemporain : les fermes d’antan s’ouvrent à l’agriculture biologique, les légendes inspirent festivals et balades contées, la convivialité se prolonge dans les cafés associatifs ou les marchés hebdomadaires. Touristes, nouveaux arrivants ou habitants de toujours y trouvent une Bretagne du nord à la fois secrète et accueillante, propice à la rencontre comme à l’exploration.

Pour approfondir sur l’histoire locale :

Que ce soit l’été le long de la vallée du Jaudy, ou lors d’une veillée d’hiver autour d’un conte, il y a toujours une histoire à (re)découvrir dans ce pays fièrement enraciné dans la terre bretonne.

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