Explorer l’histoire du Pays de Bégard à travers ses musées et lieux patrimoniaux

26/09/2025

Un territoire à la croisée des influences : brève contextualisation historique

Le Pays de Bégard, situé au centre-nord du département des Côtes-d’Armor, s’étend sur une vingtaine de communes aux paysages contrastés : bocage, landes, forêts, vallées, marais. Territoire rural par essence, le pays a oscillé, du Moyen-Âge au XIX siècle, entre production agricole, activité monastique et contrôle nobiliaire.

  • En 1946, la population dénombrait 12 509 habitants dans le canton de Bégard, selon l’INSEE.
  • L’occupation du site est attestée dès la période gauloise puis gallo-romaine (source : Annales de Bretagne).
  • La Révolution française a bouleversé le paysage ecclésiastique et la propriété terrienne, marquant le territoire d’une forte identité laïque au XIX siècle.

Aujourd’hui, l’empreinte de ce passé se lit dans le patrimoine bâti, l’art religieux, les récits locaux transmis notamment dans des musées souvent tenus par des bénévoles. Aperçu des étapes-clé à ne pas manquer.

Le Musée du patrimoine rural de Saint-Laurent

Situé sur la commune de Bégard, le Musée du patrimoine rural de Saint-Laurent est l’incontournable local pour saisir l’évolution de la vie rurale en Trégor depuis deux siècles.

  • Installé dans l’ancien presbytère du bourg de St-Laurent.
  • Fondé et animé depuis les années 1980 par une équipe de passionnés et d’habitants bénévoles.
  • Mise en valeur du quotidien paysan des XIX et XX siècles : outils agricoles, artisanat, vêtements, objets domestiques, archives, photos de familles.
  • Plus de 1 200 pièces exposées, certaines remontant au XVIII siècle (source : Office du tourisme du Pays de Bégard).

L’intérêt du musée, ce sont aussi les temps forts : démonstrations de savoir-faire, ateliers de fabrication, expositions temporaires, rencontres de témoins. Une belle manière d’aborder l’histoire rurale autrement qu’à travers des vitrines figées, et d’écouter les récits familiaux qui font la saveur de la transmission locale.

Le Manoir de Kergus : forteresse, résidence et centre culturel

Côté patrimoine civil, le manoir de Kergus incarne l’essor nobiliaire du Pays de Bégard aux XVe et XVI siècles. Classé monument historique, il témoigne de l’architecture trégorroise avec sa tour d’escalier hors d’œuvre, ses lucarnes Renaissance, ses douves, son pigeonnier.

  • Edifié par la famille de Kergus, lignée de chevaliers et de juges locaux, le manoir fut un haut lieu de la résistance pendant la Ligue au XVI siècle.
  • Il a servi de refuge temporaire aux prêtres réfractaires à la Révolution (source : Direction régionale des affaires culturelles de Bretagne).
  • Son parc accueille régulièrement des manifestations artistiques depuis sa restauration dans les années 1990.

Le lieu n’ouvre pas en permanence mais se visite à l’occasion des Journées du patrimoine ou sur rendez-vous lors d’événements culturels. Il illustre l’évolution de la structure sociale du pays bégarrois, entre aristocratie terrienne et émergence d’une bourgeoisie locale.

Le patrimoine religieux : abbayes, églises et chapelles

Le Pays de Bégard est marqué par la religion depuis le XII siècle. Deux lieux illustrent particulièrement cette histoire :

L’Abbaye Notre-Dame de Bégard

  • Fondée en 1137 par Hervé de Lannion, l’abbaye devient l’un des foyers spirituels majeurs du Trégor.
  • Au XVIII siècle, elle rayonne sur 27 paroisses et accueille jusqu’à 37 moines (source : Wikipedia).
  • Les bâtiments subsistants : le portail monumental du XVIII siècle, les vestiges du cloître, l’ancienne infirmerie (accueillant aujourd’hui l’EHPAD de Bégard).

Des visites guidées sont proposées ponctuellement et permettent d’approcher ce que fut un centre spirituel d’influence tout en mettant en valeur l’art religieux et la symbolique locale.

Les églises et chapelles rurales

  • Plus de 12 chapelles paroissiales datées pour la plupart du XVe au XVII siècle, notamment l’église de Bégard avec sa fontaine miraculeuse saint Hervé et la chapelle Sainte-Barbe à Trézélan (reconnue pour sa « pardon » annuel).
  • Ex-voto marins, ossuaires en granit, vitraux historiés, statues polychromes relatent, année après année, la vie communautaire et les drames locaux : tempêtes, épidémies, migrations, guerres.

Se promener dans le cimetière de Bégard ou celui de Saint-Laurent, c’est parcourir en quelques mètres plusieurs siècles d’histoire sociale, entre croix sculptées et sépultures d’abbés illustres.

Quand l’histoire rencontre la mémoire ouvrière : la Mine Bleue de Loc-Envel

A quelques kilomètres de Bégard, sur la commune de Loc-Envel, la Mine Bleue (ancienne mine de plomb et de zinc) témoigne d’un autre pan, moins connu, de l’histoire locale. Exploitée du XVII au tout début du XX siècle, elle a employé jusqu’à 100 mineurs lors du boom industriel régional (source : Archives départementales 22).

  • Visites guidées commentées tout l’été, encadrées par l’association de sauvegarde du patrimoine minier.
  • Découverte des techniques d’extraction, reconstitution d’ateliers, documents d’archives, témoignages de familles d’anciens ouvriers.
  • Le parcours permet de comprendre l’impact social et sanitaire de l’industrie du sous-sol sur le pays bégarrois (silicose et maladies professionnelles très fréquentes à la fin du XIX siècle).

Un détour fortement conseillé pour saisir la diversité des modes de vie et des cultures de ce territoire, entre champs, usines et forêts.

Les sites archéologiques : trésors cachés de la Préhistoire et de l’Antiquité

Certes moins médiatisées que Carnac ou Plomeur, les traces protohistoriques bégarroises existent pourtant. On relève plusieurs sites :

  • Le Tumulus de Goënidou (Lanrodec) : monument funéraire daté du Néolithique, remanié au Bronze (- 2000 av. J.C.), fouillé en 1999 (source : Service régional de l’archéologie Bretagne).
  • L’habitat gaulois du Parc-Lann (Kernilien) : vestiges de fours, fossés, silex taillés découverts lors d’une campagne INRA en 2008.
  • Vestiges gallo-romains : tegulae (tuiles romaines), monnaies, traces de villae repérées dans la vallée du Jaudy.

Si l’accès à ces sites est parfois restreint, ils sont valorisés par des circuits d’interprétation ou lors des Journées du Patrimoine, entre balades commentées et ateliers pour enfants.

Archives, bibliothèques et mémoire locale : le travail des collectifs

Outre les murs de pierre et les collections, le Pays de Bégard fait vivre sa mémoire au gré d’initiatives citoyennes et associatives :

  • Collecte des archives : ateliers de numérisation de photos anciennes au sein des médiathèques de Bégard, Callac et Belle-Isle-en-Terre.
  • Publication d’ouvrages de micro-histoire : le Cercle Généalogique de Bégard publie chaque année des bulletins sur les familles, métiers et traditions locales.
  • Balades contées et rendez-vous mémoriels : organisation de promenades historiques autour des résistants locaux, des anciennes fermes collectives (le « kerguelen ») et du lavoir de Bégard.

Les savoir-faire patrimoniaux : ateliers, fêtes et événements vivants

Certains pans de l’histoire locale ne trouvent pas leur place dans des musées, mais dans la transmission orale et la pratique vivante :

  • La fête du pain à Saint-Laurent : démonstrations de cuisson dans l’ancien four communal, dégustations, expositions de photos sur la vie paysanne.
  • Ateliers de tissage de lin et de chanvre : savoir-faire quasi disparus, mais remis en lumière lors des fêtes locales, en partenariat avec des écoles et maisons de retraite.
  • Expositions temporaires : collecte d’outils anciens, reconstitution de classe d’école 1900, rendez-vous annuels lors du festival Ar Redadeg qui traverse le pays bégarrois et entretient la langue bretonne.

Autant de façons de faire dialoguer histoire et quotidien, de restituer l’épaisseur humaine d’un territoire, et de donner la parole à celles et ceux qui l’ont vu changer.

Un patrimoine évolutif, à portée de tous

Explorant musées de village, chapelles discrètes et sites naturels, le Pays de Bégard offre une approche sensible et humaine de son histoire. Ici, la valorisation du patrimoine s’appuie sur la rencontre : guides bénévoles, familles d’artisans, enseignants passionnés transmettent expériences et récits singuliers, nourrissant une mémoire collective ouverte et vivante.

Oser pousser les portes de ces lieux, c’est s’immerger dans un palimpseste régional qui conjugue savoir-faire, spiritualité, gestes quotidiens et événementiels locaux, pour mieux comprendre une Bretagne rurale fière de sa différence. Que vous soyez passionné d’histoire, flâneur curieux ou animateur en quête de bons plans pour vos groupes, c’est une plongée authentique dans la profondeur vivante de ce pays singulier.

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