Le Pays de Bégard : Racines vivantes et traditions en partage

10/09/2025

Un territoire façonné par la mémoire collective

Le Pays de Bégard, niché au cœur des Côtes-d’Armor, intrigue autant qu’il séduit par sa capacité à faire vivre l’authenticité au quotidien. Ce territoire du Trégor intérieur, à la croisée des routes entre Guingamp, Lannion et la presqu’île sauvage, porte en lui des traditions qui ont traversé les générations. Ici, les coutumes populaires ne sont pas de simples souvenirs : elles composent un véritable socle identitaire qui irrigue la vie locale. De la langue bretonne aux fêtes de village, du patrimoine culinaire à l’artisanat, explorez comment ces héritages façonnent l’âme du pays bégarrois.

Fêtes traditionnelles et rassemblements : un sens profond du collectif

La vie festive et collective rythme encore le calendrier des bourgades et des hameaux du Pays de Bégard. Ces moments de rassemblements, souvent liés aux saisons, à la religion catholique ou à des activités agricoles historiques, sont l’occasion de resserrer les liens sociaux et de transmettre les valeurs fondamentales du territoire.

  • La Saint-Laurent à Bégard : Patron de la paroisse, la fête qui porte son nom, célébrée le 10 août, est un moment phare. Initialement religieuse, cette fête mêle désormais animations populaires, concours de palets bretons, marché artisanal et bal populaire sous chapiteau. Elle attire régulièrement plus de 2 000 personnes dans le bourg (Le Télégramme).
  • Fest-noz et fest-deiz : Véritable pilier de la culture bretonne, ces fêtes dansantes ont trouvé un second souffle à partir des années 1950, alimentées par le renouveau culturel. On danse encore la gavotte ou l’an dro dans la salle des fêtes ou en plein air, au son de la bombarde et du biniou. Les groupes locaux perpétuent cette tradition et attirent chaque année un public de tous âges.
  • Pardons ruraux : Ces processions religieuses, spécifiques à la Bretagne, rassemblent familles et anciens autour des chapelles comme celle de Saint-Gildas à Saint-Laurent ou de Notre-Dame de Bégard. Outre la dimension spirituelle, ces moments sont indissociables d’un temps de convivialité et d’un repas collectif où l’on sert fréquemment kig ha farz ou crêpes maison.

La transmission intergénérationnelle se vit pleinement lors de ces fêtes, où l’on enseigne parfois aux plus jeunes les danses, les chants à répondre ou encore l’art de porter le « gwenn ha du », le drapeau breton.

La langue bretonne : une force discrète mais tenace

Parler breton dans le Pays de Bégard n’est pas une coquille vide : si la pratique quotidienne s’est réduite depuis le XX siècle, le breton reste une oreille attentive et un cœur battant, même parmi celles et ceux qui l’entendent sans l’avoir appris. Selon le recensement 2018 de l’Office Public de la Langue Bretonne, plus de 12 % des habitants du canton de Bégard déclarent comprendre ou parler le breton, un taux nettement supérieur à la moyenne française (Le Télégramme).

  • La signalétique bilingue s’impose sur les panneaux routiers, dans les écoles et parfois jusque dans les commerces.
  • La filière bilingue, de Bégard à Pédernec ou Tréglamus, a vu son nombre d’élèves doubler sur la décennie 2010-2020.
  • Des ateliers et cafés bretons (comme « Kafe brezhoneg » à la Médiathèque de Bégard) valorisent la langue dans une ambiance conviviale.

Si la langue reste discrète au quotidien, son maintien est un marqueur fort : nom de lieux, chants traditionnels (chants à répondre, gwerzioù), blagues ou dictons sont la preuve vivante que le breton est bel et bien lié à une identité singulière et revendiquée.

L’artisanat rural : savoir-faire et économie locale

La ruralité bégarroise a de tout temps reposé sur des métiers spécifiques et des savoir-faire transmis en famille. Charron, cordier, forgeron composèrent longtemps le tissu économique local. Même si le mode de vie a changé, le retour à certains métiers artisanaux marque une redécouverte des pratiques identitaires du pays.

  1. Poterie du Trégor : La tradition des potiers, notamment à Pluzunet (proche de Bégard) ou Prat, se perpétue avec de nouveaux ateliers qui valorisent les formes héritées de la céramique utilitaire.
  2. Textile et lin : Le lin, appelé « or bleu » du Trégor, fit la richesse de la région au XIX siècle. On en retrouve des traces sur de nombreux vêtements traditionnels exposés lors de fêtes patrimoniales ou de marchés de créateurs locaux.
  3. L’ardoise de Bégard : Les carrières d’ardoises, aujourd’hui fermées, ont inspiré des artisans qui créent encore des bijoux ou objets déco à partir d’anciennes ardoises récupérées (Patrimoine.bzh).

Ces démarches sont souvent portées par des collectifs (marché de créateurs à la Maison du patrimoine ou lors des marchés estivaux), attestant d’un souci de transmission et d’un attachement à la singularité du Pays de Bégard.

Gastronomie et rituels du bien-manger : une identité à savourer

Ici, on ne badine pas avec le goût et la convivialité. Les repas traditionnels, souvent collectifs, sont gages de transmission, de savoir-faire et de fierté. Ils s’inspirent d’une agriculture faite d’élevages, de productions locales et de recettes à forte valeur communautaire.

  • Kig ha farz : Ce plat emblématique du Trégor (viande de bœuf et de porc mijotée avec des légumes, accompagnée d’une bouillie de farine de blé noir cuite en sac), est encore cuisiné lors des grandes tablées familiales ou des festoù-noz. Vers 2019, plus de 2 500 parts étaient servies chaque année lors du pardon de Saint-Laurent (données Mairie de Bégard).
  • Far breton, crêpes et galettes : Les recettes se transmettent et s’améliorent : à la Chandeleur, le parfum de caramel au beurre salé envahit régulièrement les ruelles de Bégard.
  • Pommes à cidre et vergers traditionnels : Les vergers anciens, valorisés par l’association « Vergers du Trégor », participent à la sauvegarde de variétés locales. Aujourd’hui, plus de 15 % des ménages du territoire produisent leur propre cidre (Conseil départemental 22).

Les repas collectifs, qu’il s’agisse de repas de quartier ou de festins de chapelle, sont souvent ponctués de chants traditionnels, de jeux anciens (palets, quilles) et constituent un ciment social unique, où l’identité se forge autour d’une table.

Musique, contes, danses : une transmission par l’émotion

Impossible de parler du Pays de Bégard sans évoquer l’ancrage de la musique traditionnelle et de l’art du conte, vecteurs majeurs de l’identité locale.

  • Sonneurs et cercles celtiques : Le Bagad de Pédernec, créé en 1958, compte encore aujourd’hui 30 musiciens actifs, dont une majorité de jeunes (bagad-pedernec.bzh). Leur répertoire – entre suites de gavottes et mélodies bretonnes – fait vibrer les fêtes et les cérémonies.
  • École de musique et éveil local : La Maison de la Musique de Bégard propose des stages pour apprendre la bombarde, le biniou ou le chant traditionnel. Ces initiatives favorisent la transmission d’un « patrimoine vivant » même auprès de familles nouvellement installées.
  • Nuits du conte : Véritables institutions dans plusieurs villages, ces soirées mêlent histoires fantastiques, gwerzioù (chants tristes), légendes de korrigans et témoignages du pays. Elles s’adressent aux enfants comme aux adultes, et contribuent à entretenir la mémoire orale.

Ces moments de partage musical relient les habitants à leur terre et entre eux, renforçant la conscience d’une appartenance à une communauté singulière, aux accents et aux couleurs affirmés.

L’identité du Pays de Bégard : un héritage en mouvement

Si le Pays de Bégard affiche un attachement farouche à ses traditions, c’est parce qu’elles sont porteuses de sens autant que de liens. Ces rituels ne sont pas figés. Ils évoluent au fil des apports, des migrations, des retours au pays, de la créativité des plus jeunes. Le tissu associatif, particulièrement dense pour une commune de moins de 5 000 habitants, joue un rôle majeur dans cette dynamique : près de 60 associations recensées dont une large part agit pour la culture, la valorisation du patrimoine ou la musique.

  • Le festival « Tud ha bro » (« Les gens et le pays ») propose chaque automne des rencontres entre artistes locaux, artisans, conteurs et producteurs, attestant de la vitalité d’un « nous » toujours revisité.
  • Les jeunes générations renouvellent les fêtes mais les revisitent : balades motos dans le cadre du Téléthon, ateliers zéro déchet lors de la foire aux plantes, créations d’œuvres murales en breton.
  • Le lien à la terre et au paysage se renforce avec les initiatives de jardins partagés, de protection de haies bocagères et de redécouverte des sentiers historiques (environ 110 km de chemins balisés sur le territoire, d’après la Communauté de communes Guingamp-Paimpol Agglomération).

Au fil des années, on observe que l’identité du Pays de Bégard se construit sur la transmission, mais aussi sur l’ouverture à de nouvelles influences et le goût de l’expérimentation. Les traditions locales, loin d’être enfermées dans le passé, sont vécues au présent, au gré des saisons et au rythme des rencontres, forgeant une identité vivante et accueillante, profondément ancrée dans la ruralité bretonne.

Pour aller plus loin : explorer soi-même les traditions bégarroises

Pour celles et ceux qui souhaitent s’immerger dans cet univers passionnant, rien ne vaut l’expérience du terrain :

  • Participer à une fête populaire ou un fest-noz dans un petit village, pour goûter l’atmosphère et apprendre une danse en quelques pas.
  • Prendre part à un atelier de poterie ou de lin lors du marché artisanal d’été à Bégard pour rencontrer les créateurs.
  • Visiter un verger traditionnel ou une cidrerie familiale, déguster crêpes et kig ha farz lors d’un dîner-concert.
  • Assister à une nuit du conte ou inscrire ses enfants à une animation en breton proposée par la bibliothèque municipale.
  • Arpenter les sentiers balisés du pays, à la découverte des chapelles, manoirs cachés, calvaires et fontaines, témoins muets d’une histoire toujours vivante.

C’est au fil de ces rencontres, dans la simplicité du quotidien, que l’on mesure combien traditions populaires et identité du Pays de Bégard sont indissociables, esquissant les contours d’un territoire généreux, où la singularité s’écrit encore au présent.

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